Paule, Paul /11


Paule : Attention Paul !

Paul : Oups !...

Paule : Tu as failli te faire renverser.

Paul : Hum... Je n’ai pas vu cette voiture qui arrivait à toute allure ! Elle allait m’écraser.

Paule : Tu ne l’as pas vu venir.

Paul : Je n’ai regardé ni à gauche, ni à droite.

Paule : Tu n’as pas tourné la tête.

Paul : C’est toi qui me fait tourner la tête, Paule d’amour, mon manège à moi...

Paule : Chantons ! Chantons !

Paul : Dansons ! Dansons !

Paule : Tu aurais pu mourir, là, sur le champ…

Paul : Mais oui ! J’aurais pu ! Quelle étrange destinée, mourir sur le bas-côté.

Paule : Qui sait… Tu aurais pu n’être que blessé, les secours seraient venus, tu serais allé aux urgences.

Paul : J’aurais eu des côtes cassées, peut-être la tête fracassée qui sait….

Paule : Il y aurait eu du sang, me serais fait, moi, du mauvais sang pour toi mon tendre ami que j’aime.

Paul : Mon sang ne saurait mentir ma douce.

Paule : Le mien non plus mon tout doux.

Paul : Quel sang ment ? Aucun…

Paule : Mais que dit-il de vrai ?

Paul : C’est une rivière qui prend sa source, là, où il n’y a plus d’origine.

Paule : Sans mentir, je ne sais pas où tu veux en venir…

Paul : J’y viens j’y viens…

Paule : Où où ?…

Paul : Oh oh…

Paule : Ah !…

Paul : Hé…

Paule : Tu me laisses sans voix vois-tu. Que puis-je dire ? Suis-je certaine de t’avoir bien saisi ?

Paul : Mais mon amour de toujours, ce que tu as compris t’échappe et suit son cours.

Paule : Oui. Ce qui est compris gît, ce qui n’est pas compris fuit.

Paul : Nous parlons, pour ne rien, dire, non ?

Paule : J’entends bien.

Paul : Tu parles…

Paule : Suis tout ouïe.

Paul : C’est ce que tu dis.

Paule : Et qu’est-ce je dis ?

Paul : Ne le sais-tu pas ?

Paule : N’en suis pas si sûre.

Paul : N’empêche tu le dis, non ?

Paule : Oui oui…

Paul : Bon…

Paule : Bon…

Paul : Allons !…

Paule : Allons !…

Paul : Nous parlons dans le vide.

Paule : Comment en serait-il autrement ?

Paul : Je me souviens…

Paule : De quoi te souviens-tu cher et tendre ami ?

Paul : Je me souviens.

Paule : M’en souviens aussi.

Paul : Bon !

Paule : Ah !

Paul : Ah !

Paule : Bon !

Paul : Non. Ce n’est pas ça.

Paule : Bon…

Paul : Que voulais-tu dire ?

Paule : Passons.

Paul : Tour de passe-passe, mais ce n’est pas ce que je voulais dire. Dire que je ne dis pas ce que je…

Paule : Mais que dis-tu ?

Paul : Ce qui comble le vide : un trop plein.

Paule : Mazette ! Où est ta parole ?

Paul : Mes mots sont au large.

Paule : Et toi alors à quai ?

Paul : …

Paule : Tu restes coi ?

Paul : Quoi quoi quoi ?…

Paule : Coin coin coin !

Paul : Mes mots sont rentrés.

Paule : Mes rots sont de sortie.

Paul : Des mots, des rots !

Paule : En toi ne…

Paul : En moi les mots gisent.

Paule : Oh… Viens près de mon souffle que je t’embrasse !…

Paul : J’avance à pas de loup.

Paule : Il fait chaud.

Paul : Le désert avance.

Paule : Au milieu, là, dit, j’y lirai un texte seul.

Paul : Tu n’auras qu’une lecture !

Paule : Inlassablement lue et relue. La lecture ne fait pas d’histoires.

Paul : L’écriture est un fait unique ? Des écrits naissent en suite.

Paule : Prête moi ton oreille que j’y approche ma bouche.

Paul : Ton souffle dessine en mon esprit, mieux que des écritures, des histoires où je figure et prends corps.

Paule : Prends mon oreille et approche ta bouche.

Paul : Tu connais cette histoire. Je te la rappelle.

Paule : Je la connais par cœur, mais ton cœur l’appelle et je l’entends.

Paul : Le vent se lève et soulève du sable en poussière.

Paule : Au centre de l’aire vide, en apparence, je suis embrasée.

Paul : Un chien aboie.

Paule : Tu es un loup.

Paul : Mes pas seulement. Vois les au sol.

Paule : Que le diable m’emporte ! Le vent efface tout ! Je ne vois rien.

Paul : Je viens.



Paule, Paul.
© Antoine Moreau, septembre 2003/2004
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