[La lettre]

[La lettre]

[La lettre] est un courrier électronique envoyé de façon épisodique à un certain nombre de personnes.

Dans son livre "Art et internet, les nouvelles figures de la création", Jean-Paul Fourmentraux, présente [La lettre] ainsi :

"Le 15 décembre 1996, un premier e-mail de l'artiste Antoine Moreau indiquait : "Bonjour à tous, voici La Lettre, le numéro zéro d'une lettre informative transmise au gré des événements".
Le lundi 17 juin 2002, cinq ans plus tard, arrivait dans les boîtes La Lettre 65, témoignant ainsi du rituel de lecture instauré par l'artiste. Le principe de cette correspondance épistolaire technologiquement médiée se destine à la circulation d'idées recyclées et (ré)agencées en un regard singulier. A l'initiative d'un seul, cette distribution d'auteur vise la constitution d'un stock commun de connaissances et, simultanément, d'un réseau d'acteur pour lequel ces connaissances ainsi acheminées composent le ciment ou le terreau communautaire.
La Lettre expose donc des énoncés appropriés, sur la mise en relation desquels il n'est pas donné au lecteur de réagir. Elle compose ainsi une communication d'auteur et une oeuvre informationnelle sur laquelle est apposé un copyleft. La Lettre érige en effet en objet d'art le recyclage et collage d'informations éphémères et sans valeur préexistante. Ce faisant, elle renouvelle le modèle de la performance d'artiste par l'accomplissement d'un speech-act (acte de langage), fruit de l'innovation (textuelle et culturelle) promue par l'écriture électronique en réseau, à la frontière du discours prononcé (parole quotidienne) et du discours écrit (texte ordinaire). Elle donne ainsi forme à une création performative, au double sens de "l'action" artistique et de l'acte de langage. A cet égard, la signature continue d'y jouer un rôles de garant d'authenticité d'une oeuvre discursive qui doit obeir à certaines conditions procédurales et institutionnelles.
La Lettre constitue en effet ici un pur événement, par la conjugaison d'un acte de parole ou d'écriture situé dans le temps (l'énonciation) et d'un texte comme trace de cet événement passé (l'énoncé). A mi-chemin de la lettre du corbeau et du pamphlet sa propagation adopte les modes d'amplifications propres à la rumeur (Leclerc, 1998). Une succession d'énoncés anonymes et signés tout à la fois : anonymes parce que se présentant comme de simples relais, et signés parce que pris en main par les différents relayeurs. La navigation et la lecture deviennent donc, dans ce contexte, anonymisation de l'écriture et appropriation de l'énoncé par un lecteur ainsi fidélisé."


Jean-Paul Fourmentraux, "Art et internet, les nouvelles figures de la création", CNRS éditions, Paris 2005, p. 157/159.

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