Paul immaîtrise



Paule : Paul, fais attention à toi.
Paul : Bonjour Paule ! Holà !... Que dis-tu ?
Paule : Attention.
Paul : Ah !... Quoi ?...
Paule : Tu ne sais pas ce que tu fais.
Paul : Je fais ce que je peux je peux peu peu s'en faut faut ce qu'il faut Paule toi tu t'en fais, trop, non ?
Paule : Mon Paul : Tu n'y es pas : tu n'y peux rien : tu t'orientes : tu navigues à vue : tu saisis la barre : tu es barré : tu vas là tout droit où tu es mis.
Paul : Mais Paule ?
Paule : Fais attention (mais qu'y puis-je moi là ?).
Paul : Je n'ai rien fait de spécial là. Je vaque. Je me demande bien...
Paule : Je ne te demande rien, mais attention...
Paul : A quoi ? A moi ? Et toi ?...
Paule : Moi, mon ami doux, je suis la maîtresse-femme : j'ai sur toi, amant aimant, la main.
Paul : Ferme la sur moi. Je ne sens rien de ta prise.
Paule : Tu m'as comprise.
Paul : Non.
Paule : Tu n'y es pas : c'est moi qui suis là incluse et tu me suis.
Paul : Je vais où je veux et je viens si je le veux.
Paule : Tu n'as pas la main mon ami autant que je les vois : tes mains ballantes.
Paul : Je suis tout de même bien ce que je suis et aussi ce que je poursuis je le suis aussi !...
Paule : Tu n'y es pour rien. Tu y es pour néant, tu fais néant en t'activant tant et plus et plus encore.
Paul : Ce que je fais, je ne le fais pas ?
Paule : Hé oui : ce que tu fais te fait et ce fait là est le fait d'autres que toi. Ce que tu fais est moins que rien quand tu fais l'original, imbécile !
Paul : Ce que je dis, je ne le dis pas ?
Paule : Hé oui : ce que tu dis te dit et ce dit là est le dit d'autres que toi. Ce que tu dis est pire que tout quand tu te crois l'auteur, triple buse !
Paul : Ce que je suis, je ne le suis pas ?
Paule : Hé oui : ce que tu es t'est et cet être là est l'être d'autres que toi. Ce que tu es est peau de balle quand tu te prends pour toi-même, toi même !
Paul : Mais Paule ? Toi ? Qui es-tu ? Paule !
Paule : Je suis, mon Paul, la maîtrise à ta mesure, ma main dans la tienne, c'est la mienne qui te tient.
Paul : Tu n'es, ma chère, pas plus maîtresse de moi que je ne suis maître de toi.
Paule : Si fait.
Paul : Pourquoi donc ?
Paule : Parce que ma mainmise est totale quand la tienne est partielle. Je suis un organisme entièrement rentré, quand toi tu es un bout d'entrisme trahi dés la main au panier.
Paul : Ah !... Les crabes !
Paule : Ah ah !... Le vaste océan.
Paul : C'est, c'est moi, malgré ce que tu dis, dit, qui organise et structure. J'ai le plan !
Paule : Ton organisation est la preuve même de ton désordre premier. L'organisation, moi, ne m'occupe pas : j'y suis en plein, j'y suis enceinte, j'y suis en place. Tu m'abordes et tu te penses y être, avoir emprise. Je pouffe, ris en mon absence de barbe, m'esbaudis ! Tu es pris la main dans le sac ! Pris mon ami.
Paul : Pris quoi encore ?!...
Paule : Pris tu ne m'as pas comprise.
Paul : Je comprends, je te prends au bas mot. Sous roche l'anguille, tu sais je saisis l'assaut.
Paule : Mon ami cher à mon coeur battant, tu es saisi par ce désir de prendre apprendre comprendre. Comprends alors que tu te livres à la prise. La prise, c'est moi, j'en mesure l'habitat. Tu en viens, tu en veux, tu y vis.
Paul : Tu n'habites pas, n'est-ce pas ?
Paule : Non, je suis habitée.
Paul : ...
Paule : Toutes sortes de failles...
Paul : Je comprends... Tu dis bien là, amie eima, ma faillite à moi à vouloir être maître chez moi. Mes murs me font la peau.
Paule : ...
Paul : Oui ?...
Paule : Hé Paul !...
Paul : Oui Paule ?
Paule : Si tu versais dans la fenêtre ?
Paul : Hum... Jeter un oeil ?
Paule : Pas seulement ! Hardy mon colon ! Vas-y de tout coeur !...
Paul : Tu vas me mettre hors de moi.
Paule : Pas tant ce toi que tu crois.
Paul : Je prends la porte ?
Paule : Passe la.
Paul : Par là ?...
Paule : Tu ne vois pas ?
Paul : Je ne vois qu'un passage.
Paule : C'est ça. Ce n'est pas rien. Tu vois bien. Vas-y, vas-t'en !
Paul : Mais Paule !...
Paule : Quoi Paul ?
Paul : Si je pars, tu me suis ?
Paule : Mais je suis toujours avec toi, je suis ta maîtrise lorsque tu lâches prise.
Paul : J'y suis !...
Paule : Comme on se retrouve !... Tu comprends ?
Paul : Je lâche prise, je maîtrise enfin sans maîtriser au final. Suis mi-dieu mi-maître, ni l'un ni l'autre et les deux en travers, croisés, tressés. Ainsi suis sans faillite, faillé entier moi tiè.
Paule : Tu y es. Ce que tu fais est acheiropoiète quand bien même il y aurait ta patte.
Paul : Je suis par l'absence. La totale maîtrise était bien la totale méprise. Pour qui je me prenais ?
Paule : Laisse toi tomber. A pic, sur tes pattes, c'est le ciel qui t'envoie en l'air.
Paul : J'immaîtrise.
Paule : Tu es immondain.
Paul : Ma main...
Paule : Elle n'a prise.
Paul : Je suis libre ?
Paule : Pas de gros mots.
Paul : Je suis quoi alors ?
Paule : Ah ah !... Tu es impayable, mon cher ! Mendiant que tu es, tends-moi la main !...
Paul : Les deux chère Paule !
Paule : Embrasse-moi.
Paul :
Paule :



« Paul immaîtrise », un épisode de "Paule et Paul" écrit pour le numéro 42 de la revue "Papiers Libres".
29 août 2005, Antoine Moreau
« Main », 5122.jpg, 2002-04-09, Jean-Manuel Biraben, http://www.adamproject.net/images/5122.jpg
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