L'art de rien mine de tout.

 

Introduction.

Messieurs, il ne vous est pas possible de vous transformer soudain, d'un jour à l'autre, en maîtres accomplis, mais vous pourriez préserver dans une certaine mesure votre dignité en vous éloignant de cet Art qui vous cuculise et vous cause tant de soucis. Pour commencer, rejetez une fois pour toutes le mot « art » et le mot « artiste ». Cessez de vous plonger dans ces vocables et de les ressasser avec monotonie. Ne peut-on pas penser que chacun est plus ou moins artiste ? Que l'humanité crée de l'art non seulement sur le papier ou sur la toile, mais à chaque moment de la vie quotidienne ? Quand une jeune fille se met une fleur dans les cheveux, quand une plaisanterie surgit au cours d'une conversation, quand nous nous perdons dans le clair-obscur d'un crépuscule, tout cela n'est-il pas de l'art.

Witold Gombrowicz, Moi et mon double, Ferdydurke, introduction à « Philidor doublé d'enfant », Quarto, Gallimard, 1996, p. 332

 

Observation.

Désormais, la création était essentiellement un travail de coopération plutôt qu'individuel, un travail technique plutôt que manuel. [...] La nouveauté, c'était que la technologie avait saturé d'art la vie quotidienne, tant privée que publique. Jamais il n'aura été plus difficile d'éviter l'expérience esthétique. « L'œuvre d'art » s'est perdue dans un flot de mots, de sons et d'images, dans un environnement universel de ce qu'on aurait autrefois baptiser du nom d'art.

E. J. Hobsbawm, L'âge des extrêmes, Éditions Complexes, 1994, p. 669, 670.

 

Aussi, les artistes, parmi les plus intéressants, auront-ils eu à cœur, depuis le début du XXème siècle, de n'être pas soumis à cette esthétisation généralisée.

 

Texte pour l'ouvrage collectif « La bataille HADOPI », octobre 2009.

 

La suite sur artlibre.org