Paule danse Paul grimpe Paule saute Paul marche Paule grimpe Paul saute Paule marche Paul danse

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Paule : Nous avons bien voyagé Paul.
Paul : Nos conversations, chère Paule...
Paule : De bouches à bouches auront vu
Paul : Nos mots passer
Paule : De toi
Paul : À moi en allant
Paule : De toi
Paul : À moi soit disant tel (que je suis paraît-il)
Paule : Telle que tu me vois là Paul...
Paul : Oui Paule ?
Paule : Me vois-tu ?...
Paul : Oui Paule !
Paule : Telle que tu me vois Paul là je
Paul : Ne pense pas
Paule : Que l'immobilité
Paul : De celui qui écrit
Paule : Mette le monde en mouvement.
Paul : Non ?...
Paule : Je sens plus que ne pense,
Paul : Oui ?...
Paule : Que nous, nous ne sommes pas de ceux qui
Paul : N'arrivent à former des pensées qu'
Paule : Au milieu des livres, notre habitude à nous
Paul : Est de penser en plein air,
Paule : Marchant,
Paul : Sautant,
Paule : Grimpant,
Paul : Dansant...
Paule : Oui Paul !... Danse !...
Paul : Grimpe !
Paule : Saute !
Paul : Marche !
Paule : En plein air !
Paul : De préférence dans les montagnes solitaires
Paule : Ou tout proche de la mer,
Paul : Là où même les chemins se font songeurs.
Paule : C'est ainsi qu'on écrit Paul.
Paul : Pas l'cul sur l'chaise...
Paule : Ah non !... L'écriture là choit.
Paul : Mais l'écriture se tient bien sous forme de livre Paule ?
Paule : Non pas Paul... Nos premières questions
Paul : Concernant la valeur d'un livre,
Paule : D'un homme, d'une musique sont :
Paul : ... « Peut-il marcher ?
Paule : Bien plus, peut-il danser ? »
Paul : L'écriture se meut à travers,
Paule : Se meut en travers.
Paul : L'écrivain est celui qui
Paule : Marche !
Paul : Saute !
Paule : Grimpe !
Paul : Danse !
Paule : Hé !... Et met ainsi le monde en
Paul : Mouvement !
Paule : L'est pas immobile ! L'écrivain ! Ni l'lecteur !...
Paul : L'est pas immobile comme les lignes ! Dame non !
Paule : L'écrivain marche, l'écrit là danse,
Paul : Et saute et grimpe !
Paule : Je hais
Paul : L'immobilité
Paule : Qui
Paul : Ne déplace
Paule : Les lignes.
Paul : L'immobilité de celui qui
Paule : Écrit en pensant qu'il
Paul : Met le monde
Paule : En mouvement, immobile.
Paul : LLANFAIR
Paule : PWLLGWYNGYLL
Paul : GOGERRY
Paule : CHWYRN
Paul : DROBWLLLANTY
Paule : SILIOGOGOGOCH
Paul : Immobile, le rêve de pierre ruine
Paule : Le rêve de chair.
Paul : Paule...
Paule : Cher Paul,
Paul : Au restaurant, j'ai écrit ces quelques phrases
Paule : En me disant
Paul : Qu'elles te serviraient,
Paule : Indiqueraient du moins une direction...
Paul : C'était il y a longtemps,
Paule : Nous longions paisiblement la côte
Paul : Quand l'horizon devint dangereux.
Paule : Fendant la terre.
Paul : Trouant le réel.
Paule : C'est dans une ligne que se résout cette énigme.
Paul : Celle de notre marche.
Paule : De notre danse !
Paul : Ah Paule !
Paule : Grimpe Paul !
Paul : Saute Paule !
Paule : Ah !
Paul : Ah !
Paule : C'est dans une ligne que tombe la mer
Paul : Et que disparaît le vertige.
Paule : La perte de l'équilibre était dans l'horizon.
Paul : C'était il y a longtemps.
Paule : Ainsi devraient commencer tous les récits.
Paul : Un livre dans lequel
Paule : Une pensée ouvre la porte.
Paul : Pour aller
Paule : Sauter ! Danser !
Paul : Grimper ! Marcher !
Paule : Au revoir Paule.
Paul : Au revoir Paul.

 

Antoine Moreau, « Paule danse Paul grimpe Paule saute Paul marche Paule grimpe Paul saute Paule marche Paul danse », un dialogue entre Paule et Paul écrit en août 2010 pour le n°6 de la revue D'ici là, hiver 2010.
Avec un extrait de : Friedrich Nietzsche, Le Gai Savoir, trad. P. Klossowski, Gallimard, 1982, § 366, de La Poésie entière est préposition, Éric Pesty éditeur, 2007, d'une lettre de présentation de Claude Royet-Journoud à l'éditeur de Théorie des prépositions paru dans Cahier du Refuge, n° 164, cipM, novembre 2007, de Les objets contiennent l'infini, Gallimard, 1984, p. 53, de Le Renversement, Gallimard, 1972, p. 84, et du titre d'une revue créée par l'auteur, parue entre 1972 et 73.
Photographie : Théo Bondolfi et Ede Marcus "Capoeira Bahia BR".
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