Paule, Paul /12


Paule : Nous voilà !

Paul : Nous y sommes Paule.

Paul : Nous ne pouvons pas être autre part.

Paule : Nous sommes là à part entière.

Paul : Mais troués comme passoire…

Paule : Alors nous y sommes.

Paul : Hum… Nous n’y sommes pas tout à fait.

Paule : Trou là là itou !… Sommes bordés sommes des bordés nom de nom !…

Paul : Mon foie ne fait qu’un tour et je rends la pareille…

Paule : Voilà ! Nous sommes là ailleurs. Nous n’échappons pas aux points de vue, sommes pris somme toute.

Paul : Voilà où nous en sommes.

Paule : Cher Paul, promenons nous un peu.

Paul : Je te suis.

Paule : Nous en sommes au même point, c’est le point où nous sommes. Ah ah !…

Paul : Ah ah Paule : c’est à mourir de rire !…

Paule : Je suis renversée.

Paul : Et moi donc !… Retourné !…

Paule : Je ne savais pas que la réalité…

Paul : Tu voyais, tu croyais, tu marchais, tu vivais.

Paule : Mais mais mais… Je ne suis pas morte pour autant !…

Paul : Si si !… De rire, ma chère !…

Paule : D’amour mon cher !… J’ai tout perdu.

Paul : Tu as gagné le cocotier, je suis tordu.

Paule : Je t’aime Paul ! Tu me tues.

Paul : Paule ! Tu m’as liquidé, descendu, je suis mort.

Paule : Ah !

Paul : Nos aires s’enlacent.

Paule : Nos temps ne comptent pas.

Paul : C’est la réalité vraie.

Paule : Tu ne peux mieux dire.

Paul : Mais qu’est-ce qui se passe ?

Paule : Pardon ?…

Paul : Non ! Rien ! Non ! Rien ! Non ! Rien !

Paule : Qu’est-ce qui t’arrive ? Qu’est-ce qui t’échappe ?

Paul : Je suis avec toi.

Paule : Je suis avec toi.

Paul : Voilà ! Nous y sommes !

Paule : Poursuivons notre chemin.

Paul : Il nous mène.

Paule : Promenons-nous.

Paul : Nous poursuivons.

Paule : Je te suis.

Paul : Je te suis.

Paule : Poursuivons.

Paul : Qu’à cela ne tienne, cela mène !

Paule : Ensuite nous…

Paul : Tu suis quoi ?

Paule : Mais le fil !

Paul : Ah, quel transport !…

Paule : Aussi ténu que solide le fil.

Paul : Filons filons !…

Paule : Mais quoi ! C’est un tissu !

Paul : C’est une étoffe.

Paule : Au fil des jours tout ne tient qu’à un cheveux je m’envoile suis pas à poil.

Paul : Ooooh !… Ni nue, ni sue, ni crue !

Paule : Ni vue !

Paul : Aaaah… Recouverte !

Paule : Nous y sommes Paul.

Paul : Nous ne pouvons pas être autre part.



Paule, Paul.
© Antoine Moreau, septembre 2003/2004
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Paule, Paul /11


Paule : Attention Paul !

Paul : Oups !...

Paule : Tu as failli te faire renverser.

Paul : Hum... Je n’ai pas vu cette voiture qui arrivait à toute allure ! Elle allait m’écraser.

Paule : Tu ne l’as pas vu venir.

Paul : Je n’ai regardé ni à gauche, ni à droite.

Paule : Tu n’as pas tourné la tête.

Paul : C’est toi qui me fait tourner la tête, Paule d’amour, mon manège à moi...

Paule : Chantons ! Chantons !

Paul : Dansons ! Dansons !

Paule : Tu aurais pu mourir, là, sur le champ…

Paul : Mais oui ! J’aurais pu ! Quelle étrange destinée, mourir sur le bas-côté.

Paule : Qui sait… Tu aurais pu n’être que blessé, les secours seraient venus, tu serais allé aux urgences.

Paul : J’aurais eu des côtes cassées, peut-être la tête fracassée qui sait….

Paule : Il y aurait eu du sang, me serais fait, moi, du mauvais sang pour toi mon tendre ami que j’aime.

Paul : Mon sang ne saurait mentir ma douce.

Paule : Le mien non plus mon tout doux.

Paul : Quel sang ment ? Aucun…

Paule : Mais que dit-il de vrai ?

Paul : C’est une rivière qui prend sa source, là, où il n’y a plus d’origine.

Paule : Sans mentir, je ne sais pas où tu veux en venir…

Paul : J’y viens j’y viens…

Paule : Où où ?…

Paul : Oh oh…

Paule : Ah !…

Paul : Hé…

Paule : Tu me laisses sans voix vois-tu. Que puis-je dire ? Suis-je certaine de t’avoir bien saisi ?

Paul : Mais mon amour de toujours, ce que tu as compris t’échappe et suit son cours.

Paule : Oui. Ce qui est compris gît, ce qui n’est pas compris fuit.

Paul : Nous parlons, pour ne rien, dire, non ?

Paule : J’entends bien.

Paul : Tu parles…

Paule : Suis tout ouïe.

Paul : C’est ce que tu dis.

Paule : Et qu’est-ce je dis ?

Paul : Ne le sais-tu pas ?

Paule : N’en suis pas si sûre.

Paul : N’empêche tu le dis, non ?

Paule : Oui oui…

Paul : Bon…

Paule : Bon…

Paul : Allons !…

Paule : Allons !…

Paul : Nous parlons dans le vide.

Paule : Comment en serait-il autrement ?

Paul : Je me souviens…

Paule : De quoi te souviens-tu cher et tendre ami ?

Paul : Je me souviens.

Paule : M’en souviens aussi.

Paul : Bon !

Paule : Ah !

Paul : Ah !

Paule : Bon !

Paul : Non. Ce n’est pas ça.

Paule : Bon…

Paul : Que voulais-tu dire ?

Paule : Passons.

Paul : Tour de passe-passe, mais ce n’est pas ce que je voulais dire. Dire que je ne dis pas ce que je…

Paule : Mais que dis-tu ?

Paul : Ce qui comble le vide : un trop plein.

Paule : Mazette ! Où est ta parole ?

Paul : Mes mots sont au large.

Paule : Et toi alors à quai ?

Paul : …

Paule : Tu restes coi ?

Paul : Quoi quoi quoi ?…

Paule : Coin coin coin !

Paul : Mes mots sont rentrés.

Paule : Mes rots sont de sortie.

Paul : Des mots, des rots !

Paule : En toi ne…

Paul : En moi les mots gisent.

Paule : Oh… Viens près de mon souffle que je t’embrasse !…

Paul : J’avance à pas de loup.

Paule : Il fait chaud.

Paul : Le désert avance.

Paule : Au milieu, là, dit, j’y lirai un texte seul.

Paul : Tu n’auras qu’une lecture !

Paule : Inlassablement lue et relue. La lecture ne fait pas d’histoires.

Paul : L’écriture est un fait unique ? Des écrits naissent en suite.

Paule : Prête moi ton oreille que j’y approche ma bouche.

Paul : Ton souffle dessine en mon esprit, mieux que des écritures, des histoires où je figure et prends corps.

Paule : Prends mon oreille et approche ta bouche.

Paul : Tu connais cette histoire. Je te la rappelle.

Paule : Je la connais par cœur, mais ton cœur l’appelle et je l’entends.

Paul : Le vent se lève et soulève du sable en poussière.

Paule : Au centre de l’aire vide, en apparence, je suis embrasée.

Paul : Un chien aboie.

Paule : Tu es un loup.

Paul : Mes pas seulement. Vois les au sol.

Paule : Que le diable m’emporte ! Le vent efface tout ! Je ne vois rien.

Paul : Je viens.



Paule, Paul.
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Paule, Paul /10


Paul : Paule !

Paule : Paul !

Paul : Que fais-tu ?

Paule : En ce moment ?

Paul : Pas à l’instant même, non, mais que fais-tu en ce moment oui ?…

Paule : En ce moment et depuis longtemps : j’écris… Ce matin j’ai écrit comme toujours.

Paul : Ah… C’est intéressant…

Paule : Qu’en sais-tu ? Tu n’as rien lu .

Paul : Mais je m’en doute. Tes courriels, je les lis toujours avec grand intérêt.

Paule : Ma ! Notre correspondance électrique, c’est autre chose mon ami !…

Paul : Soit ! Mais alors, qu’écris-tu ?

Paule : Je te le dis : j’écris. Tous les jours j’écris, une fois ou plus par jour.

Paul : Hum… Et depuis combien de temps écris-tu ainsi au moins une fois par jour ?

Paule : Tu ne vas pas me croire : j’écris tous les jours depuis une bonne dizaine d’années, je ne sais plus depuis quand exactement, l’impression depuis toujours.

Paul : Qu’écris-tu alors?

Paule : Rien de très précis. J’écris pour écrire pour ainsi dire… Ecrire procure la paix, J’écris, je respire.

Paul : Ah… La paix… Tu écris pour avoir la paix, mais quoi ? Qu’écris-tu ?

Paule : Je te le dis : rien de très intéressant au fond. J’écris ce qui me traverse ça chasse au fur et à mesure ce qui s’inscrit trop lourdement. J’écris petit à petit. Je prends note.

Paul : Note de quoi et pourquoi faire ?

Paule : Faut-il te faire un dessin, ami cher ? J’écris pour rien d’autre que la bonne heure qui m’envahi quand je plonge dans le texte qui se forme mots à mots. Ce n’est pas franchement un plaisir non plus. Il y a des jours où écrire est pénible et je ne cesse de perdre le fil. Tu sais à quel point il faut être combatif pour avoir la paix, que celle-ci est loin d’être naturelle, qu’il faut véritablement batailler, résister aux vendeurs de sommeils en tous genres. Fais dodo, la belle histoire…

Paul : Tu noircis le papier…

Paule : Oh… Je n’imprime jamais !… Ca reste sur le disque dur. Il m’arrive d’imprimer pour voir mais c’est rare. J’écris comme je respire, sue comme un phoque oui… Pour respirer, me dégager l’esprit des histoires qui m’assaillent j’écris j’écris.

Paul : Je comprends ce que tu me dis. D’autres parlent au vent, ça ne dit rien qui comble, mais ce qui sort de la bouche s’adresse au vide, c’est expiré sorti pfuit.

Paule : Oui, Paul. C’est un exercice, un maintien de la langue, qu’elle ne tombe pas et moi avec. C’est une pratique quotidienne comme une gymnastique douce, un tai-chi-chuan, une prière, d’insérer, que, sais-je, encore ?

Paul : Sans doute, mais qu’est-ce que tu racontes ?

Paule : Qu’est-ce que j’en sais ? Ca m’étonne toujours de constater ce que j’ai pu allonger noir sur blanc en tapotant sur mon clavier. Je découvre étonnée celle qui est moi née.

Paul : Je serais curieux de te lire chère Paule.

Paule : Si tu le veux, oui, pourquoi pas cher Paul.

Paul : Je me demande bien ce que tu peux écrire ainsi.

Paule : Ce n’est pas rien mon ami !… C’est sûrement nul… Ca te dira quoi ? Je ne sais pas. Moi, ça me trouble de me lire et je préfère, et de très loin, lire autrui. D’ailleurs tu le sais, je lis aussi tous les jours et l’étagère où reposent les livres qui m’attendent ne cesse de se remplir, humpf… J’en ai pour des années à la vider. Car je relis aussi.

Paul : Alors peu t’importe ce que tu écris ?

Paule : Non mon bon ami, mais franchement, est-ce que ça me regarde ? Suis pas sûre. Je corrige, oui, je peaufine, oui. M’importe ce que je laisse visiblement, mais sans illusion je suis. Je sais que c’est nul.

Paul : Quoi ?…

Paule : Oui c’est nul, ni moins ni plus, zéro patates. Il n’y a rien, juste le désert, des graphies qui le ponctuent, un départ. Point. Un point de départ. Je ne sais quelle histoire se trame, suis prise dans les mailles. Franchement mon ami, ce n’est pas forcément mauvais, non non non… Suis bien contente de ce que j’écris, oui oui oui… Mais c’est, sur l’échelle des valeurs, ni plus ni moins que 0. Point à la ligne.

Paul : Ho ho ho… Que, peux-tu, écrire, chère, et douce, amie ?…

Paule : Je ne sais pas ce que c’est, pas à quoi ça rime moi-même… Je te le dis : ça m’étonne toujours. J’y découvre quoi ? J’y découvre… Que te dire ? Tu liras, je vais pour toi, mon tendre ami d’amour, imprimer quelques pages, tu me diras ce que tu y auras lu.

Paul : J’ai hâte de te lire Paule.

Paule : Mais tu m’as déjà lu, non ?…

Paul : Oui, tes mails…

Paule : C’est vrai, notre correspondance c’est autre chose. C’est autre chose d’écrit mais c’est lié mon ami.

Paul : Comment ça ?

Paule : Voyons voyons, laisse-moi voir… Je découvre… Ca à l’instant… N’y avait pas pensé particulièrement… Notre discussion m’éclaire, c’est heureux. Oui, mon écriture de tous les jours là est aussi une correspondance.

Paul : Je vois : une écriture donnée à, tracée sur le sable de ton écran b. Donnée sans correspondants mais correspondant à b jusqu’à z. A compris.

Paule : Mais c’est… C’est… Je ne… Et ?… C’est ?… Pourrais-je écrire dans l’eau alors ? Hum… Boire la tasse, oui… M’y noyer enfin, je le sais pour m’être imprudemment plongée quelques fois dans certains trous plutôt profonds et risquée d’y rester, au fond...

Paul : Bah… Tu es impatiente souvent, je te connais bien chère très chère amie, tu voudrais en une seule gorgée goûter à tous les vins possibles. Imagine la gerbe et ton coma assurés, la noyade dans la mer de rendus.

Paule : Je me rends bien compte de ce que tu me dis là. Oui et je mets, comme on dit, on dit tellement de choses qui en veulent dire des choses, des sous-entendus, de l’eau dans mon vin, tu sais, depuis longtemps déjà. Ecrire chaque jour me permet d’attendre patiemment les jours qui suivent.

Paul : Et c’est alors que tous les jours tu écris écrits après écrits sans que ces écrits ne trouvent de lecteurs, ils en arrêteraient le cours. Un moment durant... Ton écriture est une trace de vie, une « vitagraphie ». Texto !

Paule : Sans doute, je ne sais pas, je ne sais rien de ce qui se passe, ça se passe ainsi, un jour il y aura des lecteurs peut-être sans doute, mais comment cela se fait ? Qu’est-ce qu’un écrit achevé ? Sous forme de livre ? Imprimé sur papier, ce sont des feuilles qui tombent, mon arbre a des épines.

Paul : Ca sent le sapin ma chère !…

Paule : Question de temps je te dis. Ca ne fait qu’une dizaine d’années que je pratique l’écriture au jour le jour comme je vais d’un point à un autre. Le temps viendra où mes écrits me tomberont des bras pour atterrir sur la tête d’un promeneur d’ici qui sera là.

Paul : Qu’en fera-t-il ? Je te le demande.

Paule : Il jurera et lèvera la tête au ciel ! Une pluie de mots tombera alors. Il lira il ira où ça mène, j’aurai indiqué un cheminement.

Paul : Je me demande bien si j’aime l’odeur de la sève des pins, il me semble que oui.

Paule : Que dis-tu ?

Paul : Rien, je me pose des questions : Tes écrits sont peut-être très mauvais, sans intérêt du tout.

Paule : Je le pense, oui, souvent. Je crois qu’ils n’ont pas grand intérêt. C’est désintéressé au possible. Je te le dis : je fais ça comme une respiration. Ecrire plait à ma cervelle, mais rien de très passionnant ne sort de mon cerveau. Je te le dis : je préfère lire des auteurs. Moi, je ne suis l’auteure de rien de remarquable. Je ne crée rien d’épatant, je découvre simplement quelque chose qui se couche noir sur blanc et qui vient à travers moi, mais c’est étrange toujours, ce n’est pas moi, je le sais bien. C’est je ne sais pas ce que c’est.

Paul : C’est nul !…

Paule : Oui ! Nul à…

Paul : Je vois le 0, la bulle de zéro. C’est beau un cercle.

Paule : Oui, il y a une perfection dans la nullité que je tente en écrivant. Car mon bon ami que j’aime, je n’arrive pas toujours à être aussi nulle que je le souhaiterais. J’y tends. Mais je vois bien à mes relectures que j’approche, sans l’atteindre vraiment la nullité parfaite. Mais est-ce vraiment ça, est-ce vraiment nul ?

Paul : Ce n’est pas facile…

Paule : Tu le dis. Mais est-ce cela la nullité ? Je me pose la question.

Paul : Ce n’est pas moins que rien, c’est un tout comme un trou.

Paule : Mon amour !… Tu m’annules et me rends libre…

Paul : Nous nous écrirons ce soir…

Paule : J’y compte bien.

Paul : A ce soir Paule.

Paule : A ce soir Paul.



Paule, Paul.
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Paule, Paul /9


Paule : Paul ?

Paul : Oui ?

Paule : Mais où vas-tu ?

Paul : Qui sait ?

Paule : Et toi ?

Paul : Mais non !

Paule : Mais si ! Qui d’autre ?

Paul : A d’autre ! Moi ge ne sais pas.

Paule : Et moi donc ! Ge te demande où tu vas.

Paul : Pourquoi ?

Paule : Pour le savoir.

Paul : Mais ge ne le sais pas chère Paule aimée !

Paule : Mais tu vas quelque part ?

Paul : Il faut bien le croire, non ?

Paule : On dirait, oui.

Paul : Bon… C’est ainsi, ge vais, g’y vais, ge viens et va.

Paule : Bon alors tout va bien ?

Paul : Ca va ça va… Oui chère amie, tout va bien tu le vois bien.

Paule : Ge vois que ça va ge vois que ça mais ça va où tout ça et toi ? Où tu vas ? Tu vas bien quelque part ?

Paul : Bon !… Viens avec moi…

Paule : D’accord d’accord.

Paul : Nous allons bien voir où nous allons, si voir est possible en chemin.

Paule : Mais pourquoi pas ? Nous verrons bien où nous mènent nos pas.

Paul : M’est avis que ge commande à ma démarche tout de même.

Paule : Mais où tout ça mène ?

Paul : A la fosse à la fosse ! Ah ah !…

Paule : Ah ah ah !… Tous les chemins y mènent.

Paul : Entre temps faut ce qu’il faut !

Paule : Faut bien vivre, que la faux m’emporte si ge mens !…

Paul : Attention de ne pas tomber mon amour.

Paule : Oh… Merci Paul, ge trébuche simplement, m’éjratijne un peu la peau, pas bien jrave.

Paul : Mais tu saijnes ma chérie.

Paule : Quelques gouttes. Ça tombe.

Paul : Laisse moi voir ça.

Paule : Assieds-toi aimé Paul.

Paul : Allonge toi chère tendre et douce Paule aimée.

Paule : Voilà, vois.

Paul : Ge vois bien mais ne sais qu’en penser.

Paule : Ge te le dis : ce n’est pas grave, ge me remets debout illico sans forcer.

Paul : Poursuivons notre chemin.

Paule : C’est par là ?

Paul : Oui. Où veux-tu que ce soit ?

Paule : Par là-bas.

Paul : C’est toujours par là, non ?

Paule : Alors allons-y et ne tournons pas en rond.

Paul : Nous aurons bien l’occasion de repasser par ici, non ?

Paule : Oui, certainement un jour prochain.

Paul : Bon, c’est par là.

Paule : A cette heure les ombres s’allonjent rapidement, bientôt elles disparaîtront.

Paul : Nous avons le temps, ne t’inquiètes pas chère amie.

Paule : La nuit tombera comme d’habitude, la ville sera claire. Nous pourrons aller dîner.

Paul : Nous avons le temps pour cela, ne crois-tu pas ?

Paule : Oui oui, nous l’avons.

Paul : Bon…

Paule : Ge n’ai plus mal au jenou.

Paul : A la bonne heure !…

Paule : Ge marche comme sur des roulettes.

Paul : Connais-tu ce quartier douce amie ?

Paule : G’y suis venue, ge pense, il y a quelque temps.

Paul : Ge pense aussi que g’y suis venu aussi ge ne sais plus quand.

Paule : Ne marches-tu pas trop vite ?

Paul : Vais-ge trop vite pour toi ?

Paule : Non non…

Paul : Ge ne vais ni lentement ni vite ge vais au rythme de mes pas sans penser au temps qui passe sans que ge n’y pense. Ge ne pensais pas à la cadence.

Paule : Ge ne voulais pas y penser non plus cher ami et doux compagnon, cette question m’a traversé l’esprit : la vitesse, la lenteur de notre marche convient-elle au chemin que nous faisons ?

Paul : Mais oui mais oui… N’y pensons plus, ge ne sais comment et à quel rythme marcher maintenant…

Paule : Oh… Mille excuses pour avoir introduit ce soucis dans nos esprits. G’avoue aussi que ge peine à mettre un pied devant l’autre, désormais, ge pense à la cadence.

Paul : N’y pensons plus ! Courrons !…

Paule : Ah oui !… Bonne idée !…

Paul : 1, 2, 3 : Partons !

Paule : Où où ?

Paul : Là là !

Paule : C’est parti mon qui qui !…

Paul : Ah ! Paule !… Tu vas vite !

Paule : Et toi ami de tous les jours, comment tu vas ?

Paul : Bien merci, ça fonce Alphonse !…

Paule : Ah ah !… M’essouffle, crache les poumons rosis, ma respiration est ample, humpf humpf… Fait du bien de courir à fond le caisson.

Paul : Humpf humpf… Cœur qui bat boum boum, me sens cramoisi du visage, g’ai les gambes qui tressautent.

Paule : Allez allez, ‘core un ’tit effort !…

Paul : Ge veux bien ge veux bien, allez allez, humpf humpf… Trotte trotte, respire expire, import export, poussez-vous piétons !…

Paule : Failli en bousculer un tout à l’heure. As-tu vu ?

Paul : Non, nez dans le juidon de la course que ge suis dedans.

Paule : Ah !… Humpf humpf… On… Alors… Fait la course ?…

Paul : Mais tes grandes enjambées ma chérie !… Ge ne fais pas le poids, suis à la traîne si tu comptes me semer.

Paule : Ah ah !… Bon vent ! Ge m’envole !…

Paul : Attends attends !… Ne me laisse pas à la traîne…

Paule : Cours mon ami ! Rattrape-moi, ge m’élève !

Paul : Mais mais !… Humpf humpf… Où vas-tu ?…

Paule : Le sais-ge ? Ge fonce à toute allure, rendez-vous doux et cher à la prochaine !…

Paul : Jrrr… Retrouvons-nous à la terrasse d’un café là-bas !

Paule : Retrouvons-nous au carrefour lointain. Tu sais, à l’orée de la ville, il y a ce carrefour à l’ombre d’ifs. Ge serai sous celui qui penche un peu.

Paul : Ge vois ! C’est loin.

Paule : Cours mon ami, cours !

Paul : Mais ge peine, n’ai pas tes facultés, tu es agile et jracieuse, ge suis empoté et lourd, g’ai les gambes petites.

Paule : Tu exajères, tu as, Paul admirable, fin tarin et des mollets bien moulés.

Paul : Pour tout te dire Paule superbe, ge préfère flâner, marcher, déambuler, marcher, flâner, oui, que courir et courir.

Paule : Ah mais… Ce n’était qu’une proposition ponctuelle, arbitraire et amusante qui sait : défouler nos muscles, faire bondir nos cœurs, faire suer nos peaux et rafraîchir nos poumons. Notre course aurait eu une fin, franchie la ligne.

Paul : Au départ ge ne suis pas contre, par contre, tu vas beaucoup trop vite pour moi, ge ne te suis pas.

Paule : Paul Paul Paul… Allons-y en petite foulée, tranquille sans forcer, g’y consens à ralentir par amour pour toi le pas. Content ?

Paul : Tu es trop aimable chère et douce. Ge sais qu’il est pénible de redescendre après s’être élancé.

Paule : Ca va aller, ge te quitterai tout à l’heure et g’irai à toute vitesse pendant un bon kilomètre me fatijuer la carcasse. Tu ne verras pas ma chute lasse au bout, choir lentement au sol, souriante et souffrante en goie implosive. Ah mon ami, qu’il est bon de suer torridement.

Paul : Ge suis bien d’accord, moi aussi ge sue volontiers par moment.

Paule : Ge sais bien ge sais bien.

Paul : Bon… Marchons.

Paule : Ge suis heureuse Paul… Le sais-tu ?

Paul : Ge le sens chère et douce, cela me ravit.

Paule : Me promener avec toi est un bonheur.

Paul : Où allons nous ?

Paule : Disons par là ?

Paul : Par là oui.



Paule, Paul.
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Paule, Paul /8


Paule : Ah ah ah !… Toi ?

Paul : Hé ! Oui !

Paule : Mais quoi ? Tu es là ?

Paul : Mais oui !… C’est à cette heure que je sors. Le nez hors de mon ordinateur connecté prend le frais là.

Paule : Aaaaah… Plongé dans le cyber-espace que tu es tout le temps… J’ai lu ton message dans le forum de discussion fr.rec.arts.plastiques sur usenet à propos de...

Paul : J’ai vu que tu y avais répondu chère amie aimée.

Paule : Oui. Alors… Qu’en penses-tu ?

Paul : Rien. As-tu lu ce que t’a répondu Trooop?

Paule : Oui et Graaaph a répondu je ne me souviens plus quoi, mais c’était bien vu aussi.

Paul : Je l’ai rencontré il y a peu. Il ne ressemble pas du tout à sa prose.

Paule : Et moi j’ai croisé Trooop lors de la dernière édition des rencontres mobiles informelles et ponctuelles : elle m’a surpris par son silence.

Paul : Paule ? As-tu encore le temps de sortir ?

Paule : Mais je sors tout le temps !

Paul : Où ça ?

Paule : Mais là haut ! En ligne ! Sur le réseau ! Au-dessus des têtes ! L’espace électrifié ! Tu le sais bien.

Paul : Mais… Le web n’est pas…

Paule : Mais je te croise aussi cher ami aimé. Embrasse-moi.

Paul : Embrassons-nous aimable Paule.

Paule : Aimé ami, dans mes bras !

Paul : Dans mes bras aimée amie !

Paule : …

Paul : …

Paule : Tu n’as pas répondu à mon dernier mail.

Paul : J’allais le faire, j’ai été submergé de spams, une nouvelle vague offensivement virale ces derniers temps.

Paule : Tu n’es pas le seul, je filtre, je reçois pas mal toujours trop.

Paul : Bah !… Le net a vécu et nous ne sommes pas morts !

Paule : Oui ! Nous survivrons bien à l’hyper mondanité électronique. L’horizontal est un couperet qui sabre les têtes en ligne à la queue-leu-leu. Toi et moi et d’autres aimés complices, bondissons, créant ainsi des verticales vertigineuses quelques fois.

Paul : Oui oui, je vois ça. Mais tout de même, un ami lointain mais proche a disparu du flux. Sa présence face aux sabres tranchait.

Paule : Je vois de qui tu veux parler. Sache qu’il observe.

Paul : J’entends bien.

Paule : Qui sait ce qu’il fait par ailleurs ?

Paul : Oui… Son activité, prise par erreur pour de l’activisme quand l’internet existait encore dans son inachèvement… Il m’étonnerait qu’il soit inactif. Le net s’achève par la force de la volonté territoriale qui balise, lui avait pris acte du lieu qui confiait.

Paule : Il observe : ce n’est pas rien.

Paul : D’une visibilité moindre, oui, je vois.

Paule : Tu n’as pas de nouvelles ?

Paul : Non, pas depuis une semaine. J’ai reçu un mail très court.

Paule : Bon…

Paul : Paule ?

Paule : Oui ?

Paul : Te tiens-tu informée ?

Paule : Hum… Comme toi je suis bombardée. Comment passer à travers ? Suis bien tenue d’être informée oui.

Paul : Tu te tiens au parfum alors ?

Paule : Peux-tu vivre sans respirer Paul ? Je sniffe l’info qui passe à ma portée.

Paul : Aspires-tu à plein poumons ?

Paule : Non non !… Tu es fol !…

Paul : Mais je me souviens bien que tu étais fort instruite en actualité. Tu gonflais tes poumons d’aise et soufflait des flots de faits frais… Tu avais bonne mine.

Paule : Oui, il y a quelque temps, quand les infos laissaient du temps pour souffler par ailleurs. Aujourd’hui tu ne peux pas mon ami doux.

Paul : Et pourquoi ?

Paule : Mais parce que c’est irrespirable ! Ca pue ! Cocotte sévère les actus !… Ca grouille d’asticots rapides les news. Ca fouette la cervelle par les trous des nez ouverts qu’on a largement.

Paul : Hum… Au courant de tout ce qui se passe qu’on est.

Paule : Pas trop vite l’ami Pau-Paul !… Tu es au courant de ce qui passe la frontière, les actus rentre-dedans te secouent l’estomac électrifié. Les faits qui défont, sont à la surface de ton visage et maquillent. Les informations contemporaines sont un masque de carnaval.

Paul : Mais c’est ce qui se passe ce que je sais !

Paule : C’est information.

Paul : Quoi ? Il se passe quoi sinon ?…

Paule : Des bonnes nouvelles en pagaille. Des faits infimes et aimables. Des respirations et des musiques, des vues en face, des mots neufs.

Paul : Ca ne fait pas l’actualité. Ce n’est pas de l’information.

Paule : Sans doute mais c’est ce qui se passe pourtant et qui ne passe pas là où il est dit ce qui se passe paraît-il (tour)(de)(passe)(passe). Passoire !

Paul : Paule, les informations (et tu es abonnée comme moi à plusieurs listes de diffusion d’infos de toutes sortes…)

Paule : (Plus maintenant Paul d’amour. J’ai rendu la plupart à la corbeille, n’en ai plus que cinq que je parcours de temps à autre).

Paul : Bon… J’avoue, les informations, les informations d’actualité sont captivantes. Elles captent les attentions et emmènent loin les informés de leur présent.

Paule : Il y a deux temps mon amour. L’actualité et le présent.

Paul : L’actualité captive le présent.

Paule : Sans le comprendre, elle veut sa place prendre. Le « temps réel » n’est pas autre chose que la fin des temps. Enfin… Une fin des temps triviale puisqu’il s’agit de l’accomplissement du temps de l’actualité. La fin de la présence au temps. La fin du temps présent. De l’acte, de l’actualité, de l’information lourde.

Paul : De la petite histoire, du fait divers écrasant, de la boucherie de quartier pèpère au coin de rues.

Paule : J’ouvre le journal, ce n’est pas mon jour. Je me connecte, suis déconnectée.

Paul : Tu forces le trait.

Paule : Je dessine, ça soulage.

Paul : Faire face à la gueule qui dévore c’est la nourrir encore.

Paule : Tu n’as pas faim chère et tendre amie surprenante ?

Paul : Oui. Parler creuse.

Paule : Allons casser la graine dans ce troquet rigolo là-bas que je vois.

Paul : Oui, j’en salive par avance.



Paule, Paul.
© Antoine Moreau, septembre 2003/2004
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